C’est un chien assis sur le temps. Il observe les rues de la ville, acquiesce aux tremblements de la terre et saisit dans la faille qui s’ouvre sous la proie la possibilité d’un meurtre. C’est un mime qui a contemplé le mouvement des hommes, et leurs mimiques abusées. Il compte leurs pas, chante les tracés sur le pavé des répétitions nocturnes, connaît les dérives et les détours.

Un corps achalandé gît sous la grève. Des panneaux haineux dénoncent le firmament et appellent la fin du monde. Le déluge bientôt viendra. Sous la forme d’une nacelle peuplée d’anges exterminateurs. Ils seront armés de couteaux et de lanières, de cordes et de fusils. Achetés à cet étranger qui revient chaque été, les soirs de pleine lune, pour vendre la liberté comme on lance des confettis.

Quelqu’un a peint sur un mur le visage d’un prophète. Au cas où. Des foules viennent admirer les couleurs du chatoiement et les traits cruels de l’avenir. En arrière-plan, des pèlerins dessinés à l’encre bleue frôlent le vide et marchent avec précaution sur le rebord de la falaise. Pour mieux sauter ensuite. Ils obéissent.

Le chien est patient. D’une patience infinie qui a déjà dépassé la chronologie des récits antiques. Il se souvient des morceaux déchirés du verbe, des pestes qui ont décimé la cité et des empreintes fossilisées sous le calcaire des mémoires.

Étrusques ennoblis sous la tempête, aquilins des ripailles, artisans libertaires des étreintes. Ce sourire des jouissances lorsqu’il orne les lèvres du maquisard. Une femme de majesté ouvre le livre des étincelles. Qui crie dans le cri, qui gémit dans l’inconnu ?